Simplifiez vos démarches juridiques avec
un cabinet d'avocats expert et réactif
Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Droit commercial : Droit à la preuve et dérogation à la protection du secret des affaires

Droit commercial : Droit à la preuve et dérogation à la protection du secret des affaires

Le 10 mars 2025

Par un arrêt du 5 février 2025 (n°23-10.953), la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé que des documents couverts par le secret des affaires pouvaient être produits dans le cadre d’un procès au titre du droit à la preuve. Mais seulement à condition que cela soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

 

La protection du secret des affaires :

 

Le secret des affaires protège toute information qui répond à des critères posés par le législateur à l’article L.151-1 du Code de commerce. Ainsi, il protège des informations n’étant pas généralement connues ou aisément accessibles pour les personnes familières de ce type d’informations. Ces informations doivent revêtir une valeur commerciale effective ou potentielle et faire l’objet de mesures de protection raisonnables de la part de leur détenteur légitime pour en conserver le caractère secret.

 

L’obtention d’un document couvert par le secret des affaires est illicite, dès lors que le détenteur légitime n’a pas donné son consentement et que la partie produisant ce document n’en avait pas un accès autorisé ou que celle-ci s’est comportée de manière déloyale et contraire aux usages en matière commerciale (C. com., L.151-4).

 

 

Le droit fondamental à la preuve :

 

Le droit à la preuve découle de la protection du droit à un procès équitable visé par l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales.

 

La Cour de cassation connaît de longue date la possibilité d’obtenir et de produire une preuve illicite en violation du secret des affaires (Civ. 1è, 5 avril 2012, n°11-14.177).

 

 

L’apport de la décision récente de la Cour de cassation :

 

Par sa décision du 5 février 2025 (n°23-10.953), la Cour de cassation a précisé que la protection du droit à la preuve pouvait justifier la production d’éléments couverts par le secret des affaires dans un procès.

 

 

En l’espèce, une société qui exploitait un point de vente de pizzas à emporter, reprochait des actes de concurrence déloyale de la part d’une société franchisée concurrente. Pour prouver ses allégations, la société demanderesse avait fourni des documents couverts par le secret des affaires.

 

 

La société concurrente a donc agi en paiement de dommages-intérêts à l’encontre de la société demanderesse pour la violation du secret des affaires.

 

 

La société demanderesse exposait devant la Cour de cassation que les documents litigieux ne répondaient pas aux critères permettant une protection au titre du secret des affaires. Elle contestait également la décision de la Cour d’appel en ce qu’elle l’avait condamnée au versement de dommages-intérêts au titre de la violation du secret des affaires.

 

 

La Cour de cassation a tranché en faveur de la société demanderesse. Elle précise que les documents litigieux relevaient bien de la protection du secret des affaires. Toutefois, les documents soumis au secret des affaires qui sont indispensables pour prouver des faits allégués, alors même que l’atteinte au secret des affaires est strictement proportionnée au but poursuivi, doivent être admis. Ainsi, la partie qui les soumet peut ne pas être condamnée pour violation du secret des affaires.

 

Par conséquent, l’utilisation d’un document soumis au secret des affaires ne peut systématiquement conduire à la condamnation de la partie qui s’en prévaut.

 

 

Cette décision paraît cohérente au regard de la protection du droit fondamental de la preuve et de l’évolution législative récente. En effet, en 2018, le législateur a introduit dans le Code de commerce la disposition selon laquelle le secret des affaires n’est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue afin notamment de protéger un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union européenne ou le droit national (C. com., art. L.151-8, 3°).